Rwanda : la vasectomie, une contraception masculine qui fait des émules


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Pour faire face à une démographie croissante, le Rwanda a mis en place un vaste programme national de planification familiale. L'un de ses volets informe la population sur l'existence d'une méthode de contraception masculine définitive, la vasectomie. Une petite opération chirurgicale, sûre et gratuite, qui a déjà séduit plus de 2.000 pères de famille dans le pays.
« Mon mari a fait une vasectomie il y a trois ans », raconte avec un grand sourire Vestine, 40 ans. « Je suis très contente parce que j’ai pu arrêter les injections (méthode contraceptive hormonale, NDLR) qui avaient sur moi des effets secondaires. » Cette habitante de Kinihira, petite localité de l’ouest du -, a aussi cinq enfants, et pouvait difficilement en assumer plus. Alors elle a opté avec son mari pour une solution radicale : la vasectomie.
Près de 2.100 hommes ont été opérés entre 2008 et 2011 au pays des Mille collines, qui compte 11 millions âmes, selon le Dr Léonard Kagabo, coordonnateur national du programme de planification familiale. En théorie, seuls les pères d’au moins trois ou quatre enfants peuvent, avec l’accord de leur épouse, bénéficier de cette intervention empêchant les spermatozoïdes d’atteindre la semence masculine – et donc de féconder des ovules.
« En 2009, nous avons commencé une nouvelle méthode, très minutieuse, raconte le Dr Fidèle Ngabo, directeur de la santé maternelle et infantile au ministère de la Santé. Vous faites une incision d’environ trois millimètres au niveau du scrotum, vous palpez, vous tirez le canal [spermiducte], vous cautérisez. Une petite suture du scrotum, et c’est fini ! » Après environ une heure, le patient repart sans avoir déboursé un franc rwandais.
Le gouvernement promeut la vasectomie avec, entre autres, des agents de santé et des radios communautaires, ainsi que des associations d’hommes stérilisés. Parmi les arguments : « La plupart des femmes tombent enceintes le jour où elles ont oublié la pilule, ou parce qu'elles avaient beaucoup à faire et ne sont pas parties prendre leur injection », souligne le Dr Ngabo. L’opération est également moins lourde que ligaturer les trompes acheminant les ovules.
Au terme d’une période test de trois mois, Vestine a définitivement cessé la contraception. Avec succès. « Je ne refoule pas mon mari quand il veut avoir des relations sexuelles parce que je sais que je ne vais pas tomber enceinte ! » Conquise, elle prêche auprès de ses voisines. « Quelques unes disent qu’elles vont en parler à leur mari, mais les autres refusent car elles craignent une réduction de la "motricité" de leur mari au lit. »
"Un rôle important" pour les hommes
Faustin Gaferege – infirmier au centre de santé de Kinihira, où une trentaine d’hommes a été stérilisée – souligne que des époux ont été « discriminés » parce que « des gens pensent qu’après cette opération, vous n’êtes plus de vrais hommes ». Vestine dément, tout comme Cyprien, 61 ans, et père de 5 enfants : « Il n’y a pas de changement, pas de problème ! L’acte sexuel continue comme avant ! »
Quelques centaines d’hommes attendent qu’un des rares spécialistes du pays les prennent en charge. Ce n’est pas pour déplaire à la ministre de la Santé, Agnès Binagwaho. « La vasectomie est une méthode contraceptive sûre et efficace qui fait jouer aux hommes un rôle important dans le contrôle de la taille de la famille », milite-elle sur son blog. « Il faudrait que les femmes des hommes opérés sensibilisent les autres pour qu’elles comprennent que l’initiative est bonne », plaide pour sa part une habitante de Kinihira.
Barrière religieuse
Reste que ce discours n’est pas forcément digeste au Rwanda, majoritairement chrétien. « Nous préférons favoriser les méthodes naturelles, et le sacrifice si c’est nécessaire : par exemple si vous devez renoncer à faire l’amour avec votre épouse parce qu’elle (…) risque d’avoir le 11e enfant... », confie le révérend Alphonse Rutaganda, directeur national de l’enseignement catholique.
Vestine, 36 ans, et mère de 3 enfants, ne l’entend pas de cette oreille : « Si une femme prend la pilule chaque jour et que son mari la trompe, il peut avoir des enfants ailleurs. Mais avec l’opération, il n’y en aura pas d’autres, et c’est une charge en moins pour la famille ! » Et de conclure : « Bon, il ne ramènera pas d’enfant, mais il peut ramener le sida. Alors quand mon mari sort tout bien habillé, je mets un préservatif dans sa poche... »
Habibou Bangré, à Kinihira
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