Estimations et projections mondiales (2017) de l'INED

Après l’ONU qui a publié fin juin ses nouvelles estimations de l’évolution de la population mondiale, c’est désormais au tour de l’INED, via la revue Population & Sociétés, de nous proposer un panorama de la démographie planétaire ainsi que ses projections pour 2050.

Editée tous les deux ans sous la direction de Gilles Pison (1), cette étude permet d’établir un suivi démographique régulier : effectifs, densité, fécondité, mortalité, espérance de vie, revenus... L'ONU et l'INED parviennent évidemment à des résultats très semblables, les bases (notamment la World Population Data Sheet, réalisée par le Population Reference Bureau) étant largement communes.

Voici les principales données, les estimations sont fournies pour la mi-année 2017. Sources : document cité ci-dessus et versions précédentes

Evolution de la population mondiale par continent (en millions)

2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017

Afrique 906 944 999 1 051 1 101 1 171 1 250

Amérique 888 904 920 942 958 987 1 005

Asie 3 921 4 010 4 117 4 216 4 305 4 397 4 494

Europe 730 733 738 740 740 742 745

Océanie 33 34 36 37 38 40 42

Total Monde 6 477 6 625 6 810 6 987 7 143 7 336 7 536

Evolution de la population et taux de croissance annuel

De 2005 à 2007 + 148 millions hab. soit par an + 74 ou + 1,1 %

De 2007 à 2009 + 185 millions hab. soit par an + 92 ou + 1,5 %

De 2009 à 2011 + 177 millions hab. soit par an + 88 ou + 1,3 %

De 2011 à 2013 + 156 millions hab. soit par an + 78 ou + 1,1 %

De 2013 à 2015 + 193 millions hab. soit par an + 96 ou + 1,4 % (2)

De 2015 à 2017 + 200 millions hab. soit par an + 100 ou + 1,4 % (2)

Evolution des taux de fécondité

(Indice Synthétique de Fécondité, isf : nombre d'enfants par femme au cours de sa vie)

2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017

Afrique 5,1 5,0 4,8 4,7 4,8 4,7 4,6

Amérique 2,4 2,2 2,2 2,1 2,1 2,0 2,0

Asie 2,5 2,4 2,3 2,2 2,2 2,2 2,2

Europe 1,4 1,5 1,5 1,6 1,6 1,6 1,6

Océanie 2,1 2,1 2,5 2,5 2,4 2,5 2,3

Total monde 2,7 2,7 2,6 2,5 2,5 2,5 2,5

Evolution des projections mondiales pour 2050

INED 2009 : 9,4 milliards, ONU : 9,1 milliards

INED 2011 : 9,6 milliards, ONU : 9,3 milliards

INED 2013 : 9,7 milliards, ONU : 9,6 milliards

INED 2015 : 9,8 milliards, ONU : 9,7 milliards

INED 2017 : 9,8 milliards, ONU : 9,8 milliards

Evolution des projections pour 2050 par continent

(Source : Ined , en millions)

2009 2011 2013 2015 2017

Afrique 1 994 2 300 2 435 2 471 2 574

Amérique 1 205 1 216 1 228 1 221 1 227

Asie 5 461 5 284 5 284 5 324 5 245

Europe 702 725 726 728 736

Océanie 58 62 58 59 63

Total Monde 9 421 9 587 9 731 9 804 9 846

Plus fortes évolutions attendues entre 2017 et 2050

source : Word Population Data Sheet (en millions d'habitants)

Croissance : Inde : + 323 Tanzanie : + 95

Nigéria : + 220 Ethiopie : + 86

RDC : + 134 USA : + 71

Pakistan : + 111 Egypte : + 70

Décroissance Chine : - 44 Japon : - 25

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L'inertie des mécanismes démographiques confirme sans surprise, les tendances précédentes :

- La stabilité de la croissance démographique mondiale qui dépasse toujours assez largement 1 % (2). Stabilité qui s'appuie sur un maintien depuis plusieurs années d'un taux de fécondité de 2,5 enfants par femme et sur une faible mortalité, partiellement expliquée, surtout en Afrique, par la jeunesse de la population mondiale. Malgré le cas de l'Europe et même malgré un commencement de vieillissement dans d'autres régions, la proportion de personnes de moins de 15 ans est stable à 26 % depuis 2013. En nombre, la croissance de la population mondiale a légèrement tendance à augmenter !

- La montée de l'Afrique comme futur géant et la lenteur de la transition démographique sur ce continent.

- L'émergence d'un "dividende démographique" (lié à la structure de la pyramide des âge maximisant la part active de la population et diminuant corrélativement celle des inactifs) dans certains pays du Sud. Cette phase, forcément provisoire, est censée être favorable à l'économie. Nombreux sont les démographes et les économistes qui la voient avec optimisme et encouragent à saisir l'occasion pour favoriser le développement.

Principaux éléments par continent :

Afrique : Si l'Afrique poursuit son léger mouvement de baisse de la fécondité (4,6 enfants par femme en 2017, contre 4,7 en 2015 et 5 en 2009), cette tendance reste très faible et bien insuffisante pour assurer une rapide transition démographique. Globalement, le taux de croissance sur les deux dernières années est de 3,25 % par an (soit un rythme de doublement en 22 ans !). La jeunesse de la population (41 % de la population y a moins de 15 ans) conduit à la présence d'un très grand nombre de personnes en âge ou s'apprêtant à atteindre l'âge d'avoir des enfants, promesse de nombreuses naissances dans les années futures, même en cas de tassement de la fécondité.

Avec 1,25 milliard d'habitants, le continent (qui en hébergeait à peine plus de 200 millions en 1950 et 800 millions en 2000) devrait dépasser 2,5 milliards au milieu du siècle, les estimations pour 2050 ayant même été revues à la hausse de plus de 100 millions en deux ans (2,473 milliards étaient envisagées en 2015 et 2,574 milliards le sont en 2017). Pour 2100, les projections de l'Onu, - l'Ined ne publiant pas à cette échéance - prévoient 4,3 milliards d'habitants, soit à peu près la population actuelle de l'Asie pour une surface comparable.

L'Afrique continue de truster les records de fécondité avec 7,3 enfants par femme au Niger et de 5,5 au Nigéria déjà fort de 191 millions d'habitants. Vingt pays, presque tous en Afrique intertropicale, atteignent ou dépassent 5 enfants par femme. Notons le poids démographique de plusieurs pays d'Afrique de l'Est comme la Tanzanie (57 millions d'habitants en 2017 mais 152 attendus pour 2050, alors qu'en 2015 on en attendait que 129 pour la même date). L'Ethiopie devrait également connaître une forte croissance. Sur les huit pays dont on attend la plus forte progression démographique (en nombre) d'ici 2050, cinq sont africains (Nigéria, RDC, Tanzanie, Ethiopie, Egypte). En taux de croissance ils sont évidemment largement en tête.

En Afrique du Nord depuis les "Révolutions Arabes", la tendance à "l'occidentalisation" des taux de fécondité s'est nettement interrompue. Globalement l'Afrique septentrionale qui connaissait une fécondité de 3,1 en 2007 se situe désormais à 3,5. Avec 93 millions d'habitants - sur une surface utile proche de celle de la Belgique ! - L'Egypte est largement le pays africain le plus peuplé de la rive méditerranéenne, elle se situe au troisième rang du continent derrière le Nigéria et l'Ethiopie et devant la RDC.

Outre le maintien d'une forte fécondité et la jeunesse de la population (qui réduit mécaniquement la mortalité), l'une des des composantes majeures de la croissance démographique africaine est la forte progression de l'espérance de vie. Elle était, femmes et hommes confondus, de 53 ans en 2007, elle est passée à 62,5 ans en 2017. En 10 ans, et malgré les difficultés économiques ou politiques, l'espérance de vie y a donc pratiquement augmenté ... de 10 ans ! Dans le même temps, l'espérance de vie mondiale (Afrique comprise) s'est élevée de 4 ans (passant de 68 à 72 ans). Néanmoins la mortalité infantile reste assez forte au regard du reste du monde, elle atteint 92 pour mille en Sierra Léone (un record toutefois) contre 4 pour mille en Europe et 32 pour mille en moyenne mondiale.

L'Afrique est en fin le continent dont l'estimation de la population à la moitié du siècle a été le plus fortement relevée (elle avait donc été sous-estimée) depuis 2009 nous sommes passés d'une projection à moins de deux milliard à une projection à près de 2,6 milliards !

Asie : L'Asie reste le continent le plus peuplé (4,5 milliards). Elle devrait encore gagner 750 millions d’habitants d’ici 2050. Sa fécondité est stable à 2,2 enfants par femme.

L'Inde (1,353 milliards d’habitants et une fécondité à 2,3 enfants par femme) est maintenant presque au niveau de la Chine (1,387 milliards). Elle est aussi le pays qui gagnera le plus d'habitants d'ici 2050 (323 millions). Pour sa part, la Chine par avec une fécondité de 1,7 devrait connaître d’ici 2050 une stabilisation de sa population et même peut-être une très légère régression (- 44 millions attendus soit - 3 %). Le Japon devrait également voir une diminution sensible de ses effectifs perdant 25 millions d'habitants soit près de près de 20 % ! Mais ce pays supporte une très forte densité de peuplement : 335 habitants par kilomètre carré, la géographie montagneuse accentuant la concentration de l'habitat.

Quoique marginale sur le continent avec 269 millions d'habitants, l'Asie occidentale (essentiellement le Moyen Orient) connaît encore une fécondité élevée : 2,8 enfants par femme, le Yémen atteint même 4,1 ! Les pays d'Asie centrale sont également très féconds (isf à 2,8) mais avec peu d'habitants (71 millions) au regard de l'ensemble du continent.

En Asie du Sud, notons les très fortes fécondités de l'Afghanistan (isf de 5,3 pour 36 millions d'habitants) et du Pakistan (isf de 3,6 pour presque 200 millions d'habitants). Le Bangladesh malgré une densité record de 1 144 habitants au kilomètre carré (presque 10 fois la France, qui dans ces conditions hébergerait 630 millions d'habitants !), reste toujours au dessus du seuil de renouvellement avec 2,3 enfants par femme. L'Indonésie qui compte déjà 264 millions d'habitants est à 2,4 enfants par femme.

Europe : Avec 745 millions d'habitants dont 511 pour l'Europe des 28, ce continent est le seul qui se trouve sur la voie de la stabilisation et même de la décroissance démographique. Il s'agit toutefois d'une estimation de l'évolution "naturelle" ne prenant pas en compte les phénomènes migratoires qui y sont importants du fait de sa forte attractivité et de sa proximité avec l'Afrique.

Globalement l'indice de fécondité s'y établit à 1,6, : un peu plus en Europe septentrionale : 1,8 et un peu moins Europe méridionale : 1,4 , là où l'on rencontre les taux les plus bas ( Grèce, Espagne et Italie sont à 1,3 et la Bosnie à 1,2). La fécondité ne semble pas forcément être preuve de bonne santé puisque par ailleurs, l'Espagne et l'Italie (avec le Japon, également peu fécond d'ailleurs) sont parmi les pays profitant de la plus longue espérance de vie : environ 83 ans !). Pour sa part, la France métropolitaine comptait à mi-juillet 65 millions d'habitants et devrait en héberger 7 de plus en 2050 (soit l'équivalent de la population moyenne actuelle de 10 départements qu'il faudra évidemment, loger, nourrir, employer et transporter !)

Amérique : Le continent américain qui franchit cette année le seuil du milliard d'habitants devrait encore gagner 220 millions de personnes d’ici 2050 pour atteindre atteindre 1,23 milliard.

Si l'indice de fécondité globale s'établit à 2,0 du fait des taux plus élevés de l'Amérique centrale (177 millions d'habitants et une fécondité à 2,3) et des Caraïbes (43 millions et 2,2), les Amériques Nord et Sud sont maintenant en dessous du seuil de renouvellement avec des taux de fécondité très proches, respectivement 1,8 et 1,9.

Quoiqu'encore en croissance du fait de la structure de la pyramide des âges, l'Amérique du Sud semble sur la voie de la maîtrise de ses effectifs. Des pays comme le Chili (indice de fécondité : 1,8 pour 18 millions d'habitants ) et le Brésil (1,6 pour 208 millions d'habitants) sont nettement en dessous du seuil de renouvellement des générations. Exception notable dans ce paysage rassurant : la Guyane française avec une fécondité record de tout le continent : 3,4 enfants par femme ! Les migrations et l'attractivité du territoire pour les naissances explique ce décalage.

Notons également que les Etats-Unis sont, et de loin, le grand pays développé qui connaitra la plus forte hausse de sa population d'ici 2050 : + 71 millions.

Océanie : La faible population océanienne (42 millions d'habitants) impacte évidemment très peu la démographie mondiale. L'Océanie connait de grandes disparités :une fécondité basse dans les pays occidentalisés : 1,8 en Australie, 1,9 en Nouvelle Zélande et avoisinant 4 aux îles Salomon, Marsahll ou aux Samoa occidentales (très peu peuplées toutefois). La variabilité des revenus (de 2 000 à plus de 45 000 € par an à parité de pouvoir d'achat) est également très marquée et plus ou moins corrélée (négativement bien sûr) avec la fécondité.

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(1) Gilles Pison : Population & Société: Tous les pays du monde 2017 . Ces documents peuvent être téléchargés depuis le site de l'INED.

(2) Ces estimations de croissance annuelle de + 1,4 % peuvent paraître élevées. Ailleurs, dans le même document (tableau 13, p.8) on parle plutôt de 1,2 %, ce qui est plus conforme à l'estimation généralement retenue d'une augmentation de la population mondiale légèrement supérieure à 80 millions chaque année. Gilles Pison met d'ailleurs en garde contre les incertitudes et les problèmes liés à des révisions de données plutôt qu'à des changements réels.

Ici, lien vers l'article concernant les précédentes projections de l'Ined (2015).

Article initialement paru sur le site Economie Durable