Égypte : Quand le nombre fait la révolte
Le vent de révolte qui souffle aujourd’hui sur l'Égypte provient de deux motifs de mécontentement : l'absence de démocratie mais aussi les difficultés de la vie quotidienne liées en particulier aux prix de l’alimentation et au taux de chômage chez les jeunes.

Mais comment ne pas voir qu’à la source de ces problèmes se trouve la question démographique ?

L’Égypte compte aujourd'hui 85 millions d’habitants pour une surface d’un million de kilomètres carrés, soit un peu moins de deux fois la France. Chacun sait toutefois que ce pays n’est en réalité habitable et cultivable que sur une faible proportion de ses terres. A 90 % la population et les cultures se concentrent sur le delta du Nil ainsi que sur une bande d’une dizaine de kilomètres de large au bord du fleuve sur 1.000 km de long, allant du Caire jusqu’au au pied du barrage d’Assouan. Grosso modo l’Égypte ne peut compter pour vivre et se nourrir que sur une quarantaine de milliers de kilomètres carrés. Ainsi ramenée à la "surface utile", la densité de peuplement égyptienne approche 2.000 habitants au kilomètre carré (avec une telle densité la France accueillerait près d’un milliard d’habitants).

L’Égypte est donc surpeuplée au regard de ses capacité réelles et ce surpeuplement se traduit déjà par une forte dépendance alimentaire, illustrée en avril 2008 par les fameuses "émeutes de la faim". L’Égypte se trouve ainsi fragilisée par toute hausse des denrées alimentaires. Ne pouvant les produire elle-même, elle les achète et paye cash toute élévation des cours mondiaux, qu’elle soit due à une tendance haussière générale ou qu’elle soit le fruit d’une spéculation passagère.

En plus du niveau de son effectif le pays souffre également de la rapidité de son évolution. En 200 ans, soit en seulement trois fois la vie d’un homme, l’Égypte a, selon les sources, multiplié ses effectifs par … 20 ou par 40! (Les estimations de la population égyptienne en 1810 s’étagent de 2 à 4 millions d’habitants). Si l’ensemble de la Terre avait suivi la même pente, notre planète compterait aujourd’hui entre 20 et 40 milliards de terriens ! (nous étions un milliard en 1810)

Cette croissance est toujours très élevée : il y avait 21 millions d’égyptiens en 1950, il y en a 85 millions aujourd’hui, soit 4 fois plus en 60 ans. Pour 2011, l’Ined indique pour ce pays un taux de natalité de 23,8 pour mille avec 2,73 enfants par femme et un taux de croissance de la population de 1,7 % par an, soit une augmentation de 1,4 million du nombre d’habitants chaque année ! Ces chiffres expliquent l’extrême jeunesse de la population égyptienne (30 % des égyptiens ont moins de 15 ans !) et l’arrivée continue d’un grand nombre de personnes sur le marché du travail. Un travail que justement, dans ces conditions, nul ne peut leur proposer.

Les autorités égyptiennes sont conscientes du problème, et savent parfaitement le défi que leur pose la démographie. « La croissance démographique est un obstacle essentiel à nos efforts pour le développement et l’élévation du niveau de vie », déclarait en 2008 le président égyptien Hosni Moubarak (voir l'article publié et repris par le site Géopopulation). Cette conscience hélas ne suffit pas pour qu'une politique efficace de lutte contre la surnatalité se mette en place. Tous les acteurs de la vie politique égyptienne n’y souscrivent d'ailleurs pas.
Encore une fois, la convergence d’une densité de peuplement excessive et d’une croissance trop rapide conduit les êtres humains à la souffrance. Cela avait été le cas en Haïti où ces deux phénomènes avaient largement aggravé les conséquences du tremblement de terre : c'est aujourd’hui le cas en Égypte. Au-delà de la sympathie naturelle que l'on ressent pour un peuple qui tente de se libérer, il faut bien reconnaître que le régime qui prendra le relais, aussi démocratique soit-il, aura peu de chance de sortir le pays de l'ornière dans laquelle des décennies de laxisme démographique l'ont précipité.

A moins que l'humanité ne s'investisse clairement dans la stabilisation de la population mondiale, les révoltes du Maghreb en annoncent d'autres, qui seront elles aussi essentiellement causées par la pression du nombre.