Le Monde: Mardi 17 novembre 2009
Déforestation: le Congo-Kinshasa veut se faire entendre

Les pays du bassin du fleuve Congo craignent d’être les oubliés des mécanismes de compensation
La République démocratique du Congo (RDC), qui possède le deuxième massif forestier tropical au monde, après le Brésil, vient de convaincre les bailleurs multilatéraux de débourser 300.000 dollars (200.000 euros) afin de lui permettre de disposer « des scénarios de déforestation possible au cours des vingt prochaines années ». Le cabinet international McKinsey a été chargé de l’étude. Kinshasa ne souhaite pas arriver les mains vides à la conférence mondiale sur le climat, en décembre à Copenhague, où la lutte contre la déforestation sera un enjeu majeur des discussions. L’adoption d’un mécanisme financier pour récompenser la déforestation évitée, baptisé REDD (Reducing emissions from deforestation and degradation), fait partie des rares sujets sur lesquels un accord semble proche.

« Pauvreté »
Une cinquantaine de pays y ont intérêt. Mais parmi eux, tous ne jouissent pas de la même réputation aux yeux des bailleurs. « Les pays du bassin du Congo sont oubliés. Nous n’avons pas su communiquer », regrette le ministre de l’environnement de la RDC, José Endundo. A côté de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Brésil ou même du petit Guyana, épaulé par l’organisation non gouvernementale américaine Conservation international, la voix de l’Afrique reste peu audible. Les scénarios de McKinsey y changeront-ils quelque chose pour la RDC? Parmi le groupe de pays qui préparent REDD, ce cabinet est reconnu, voire incontournable. McKinsey conseille le gouvernement norvégien. Ce dernier est,au nord, le principal défenseur du processus, qui prévoit de verser des compensations financières aux pays qui soustrairont leur forêt à une destruction annoncée. Pour la RDC – un territoire grand comme l’Europe de l’Ouest –, l’enjeu est colossal. « La pression anthropique et la pauvreté sont à l’origine de la déforestation. Nous ne pouvons pas demander aux populations qui vivent de la forêt de ne plus la couper sans leur offrir quelque chose en échange », explique le ministre de l’environnement, qui estime le coût de la protection des forêts à environ 3 milliards de dollars (deux milliards d’euros) par an. Autant que le budget actuel de l’État congolais. Jusqu’à présent, l’exploitation industrielle n’est pas le moteur principal de la déforestation. Il ne sort des grandes concessions que 300.000m3 de bois, selon les chiffres officiels, contre 3,3 millions de m3 pour le Gabon et 2,3millions de m3 pour le Cameroun. En revanche, la production de charbon de bois et l’agriculture sur brûlis nourrissent des fronts de déforestation à l’est du pays et autour des grandes villes. « Globalement, la déforestation reste faible. Mais, dans les zones peuplées, la forêt disparaît à un rythme comparable à ce qui s’est produit en Afrique de l’Ouest, où il ne reste plus grand-chose », explique Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). La population du pays devrait passer de 67 millions d’habitants aujourd’hui à 93 millions en 2020. « La pression sera croissante, il faut commencer à agir maintenant », plaide José Endundo. Pour rassurer les bailleurs quant à l’utilisation de l’argent qu’elle pourrait recevoir, la RDC devrait confier, d’ici quelques semaines, le contrôle de ses massifs forestiers à un cabinet d’audit international.
Laurence Caramel