Dossier "La Bombe Humaine" publié par Le Point - Février 2010

Nous avions déjà fait référence à la prise de position de Claude Imbert, éditorialiste au Point, qui avait signé le 4 décembre dernier l’excellent article Le tabou démographique. Cependant, le dossier que consacre cette semaine l’hebdomadaire à la surpopulation, intitulé « La bombe humaine » et illustré par une couverture choc, franchit une nouvelle étape, dans la prise de conscience de son comité de rédaction, mais aussi par la gravité et l'intensité du message adressé. Cette publication ne peut donc que nous ravir, bien sûr parce que nous défendons un point de vue similaire, mais surtout parce qu’elle participe grandement à la prise de conscience du problème par nos concitoyens et au-delà par le public francophone.
L'article principal, sous la plume d'Émilie Lanez, est bien documenté et fait à peu près le tour de la question. Sont tout d'abord rappelés quelques chiffres "vertigineux" déjà bien connus dont les 200.000 nouveaux habitants supplémentaires que la Terre accueille chaque jour, la situation étant résumée par « alors qu'il nous aura fallu 7 millions d'années pour être 1 milliard d'humains, nous allons en l'espace de 150 ans, être neuf fois plus nombreux. (...) En 2050, 9 milliard d'humains se partageront un espace exigu, exsangue, pollué... ».
La journaliste, comme il se doit pour un tel sujet, donne ensuite largement la parole à trois démographes français.
Gilles Pison: « La démographie n'est pas un levier d'ajustement sur lequel on peut peser à court terme» ou encore « on ne sauvera pas la planète en essayant de réduire la population, un objectif hors de portée à court terme ».
Il ne s'agit évidemment pas de réduire la population, mais de freiner sa croissance. Partant de là, si aujourd’hui, pour une raison quelconque (écologique?) un "couple" décide de ne plus faire l’enfant supplémentaire qu’il souhaitait initialement, il y aura un habitant de moins que ce qu’il aurait dû y avoir. Si des millions de couples font pareil, il y aura des millions d’êtres humains en moins par rapport à ce que les statistiques avaient prévu. Affirmer qu’on ne peut pas agir aujourd’hui ressemble étrangement à ce qui s’est dit dans les années 70 au moment de la parution de « La bombe P » de Paul Ehrlich. Or 40 ans se sont écoulés depuis cette date charnière et là il ne s’agit plus de « court terme » , mais bel et bien de 2 générations (du moins pour les pays à fort taux de natalité). Et donc si nos amis démographes s’étaient joints aux personnes qui ont tiré le signal l’alarme à cette époque, la forte inertie des phénomènes démographiques aurait pu "être déjouée" et il eut été possible d'atténuer grandement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui...
Ceci étant, comme le rappelle le slogan d'OPT « moins d'émetteurs, moins d'émissions », il n'y a pas de petites économies en la matière: malgré l'allongement de la durée de la vie, il est sans doute possible d'éviter la venue au monde de 1 à 2 milliards d'êtres humains si tous les pays se contentent d'un simple taux de renouvellement.
Henri Leridon: « pour atteindre ce seuil [hypothèse moyenne onusienne de 9 milliards en 2050], il faudra s'astreindre à une politique très volontariste de contrôle des naissances ».
Ceci étant admis, malgré la déclaration de bonnes intentions de l'Unfpa, reprise dans l'article, et que nous avons aussi inscrite sur notre page d'accueil, à savoir « des modes viables de consommation et de production, ne peuvent être atteints et maintenus que si la population mondiale ne dépasse pas un chiffre écologiquement viable », cette politique volontariste, non pas de contrôle des naissances d'ailleurs, mais d'incitation à l'autolimitation, ne verra réellement le jour que si l'ONU affiche encore plus clairement la couleur et propose sans délai d'inscrire le sujet au titre de grande cause internationale. En effet, tout comme Le Point d'ailleurs, nous pensons qu'il vaut mieux parler ouvertement du sujet que de travailler en sous-main comme cela se pratique aujourd'hui avec une efficacité pour le moins insuffisante... En substance, l'organisation internationale pourrait par exemple déclarer: « Nous devons tout faire, et ce de façon démocratique et consensuelle, pour stabiliser la population mondiale. Les grands axes d'intervention peuvent être: l'éducation, la prévention des grossesses non désirées, le planning familial, l'instauration de systèmes de retraites et la mise en place d'aides financières directes, inverses de celles qui sont encore pratiquées ici ou là ».
Hervé Le Bras: « La population n'est pas le mal en soi, mais elle est un facteur multiplicatif. Le vrai problème, c'est la structure de la consommation ».
Remarquons en premier lieu que ne pas vouloir intervenir sur un « facteur multiplicatif » n'est pas très rationnel... Ensuite, sur le problème du type et de l'intensité de la consommation où nos trois démographes sont en accord, nous partageons évidemment cette idée avec eux. Ceci étant, la marge de réduction n'est peut-être pas si importante que cela, car au moins la moitié des habitants de ces pays "riches" vivent encore dans des conditions relativement difficiles. Et donc, même si cet aspect du problème est fondamental, il ne saurait en être à lui seul la solution. D'autre part il ne faut pas se cacher que les habitants des pays du sud n'aspirent qu'à une chose: suivre le modèle occidental.
Signalons enfin que cet article s'intéresse aussi amplement à l'aspect alimentaire du problème. « Allons nous mourir de faim? Les agronomes répondent en chœur: la Terre peut nourrir allègrement 9 milliards d'habitants ». Bien évidemment ces affirmations sont basées sur une simple projection de ce qui se fait actuellement et ne tiennent pas réellement compte: de la fin annoncée du pétrole et des énergies fossiles, de l'épuisement des terres arables, du réchauffement climatique et donc des pénuries d'eau à venir. Ensuite, concernant la référence à la diminution de la part de l'alimentation carnée*, qui est évidemment plus que souhaitable, il serait bon qu'on n'en reste pas à un vœu pieu. Or pour l'instant, même si des voix commencent à se lever, on ne voit rien venir de la part des pouvoirs publics des pays occidentaux.
Quant aux terres non encore exploitées dont il est fait grand cas par Sylvie Brunel ou Marc Dufumier il serait temps de réaliser qu'elles sont aussi le refuge de nombreuses espèces vivantes et qu'il serait bon de leur en laisser la jouissance: en effet, nous nous sommes déjà suffisamment appropriés de territoires. A ce sujet, s'il est un reproche que nous pourrions faire à cet article et au dossier du Point en général, c'est de ne pas parler de la corrélation entre l'augmentation irraisonnée de la démographie humaine et la baisse dramatique de celle des espèces sauvages.
* Bien que nous soyons en grande partie d'accord sur le fond, on pourrait cependant s'interroger sur la propension de certains à vouloir diminuer drastiquement les déplacements, la consommation de viande et de nourriture en général, le chauffage, pour ne citer que les principaux postes: tout ceci pour finalement surtout ne pas toucher aux "droits" concernant la reproduction...

commentaires archivés 15/02/2010 : La Religion du nombre

Bravo au Point.
L'étude des différentes remarques des démographes et des propositions des écologistes laisse poindre quelque chose d'inquiétant :
La suppression de tous les droits des hommes en matière de niveau de vie au profit d'un seul, celui d'être nombreux sur la planète.
Comme l'indique le dernier paragraphe, nous n'aurons plus de viande, nous aurons moins de chauffage, moins d'espace, moins de déplacements. Tout cela pour le droit apparemment sacré et au dessus de tous les autres d'être 9 milliards (et pourquoi pas 12 si l'on écoute madame Sylvie Brunel ?) !
De ce monde là, il faut avoir le courage de dire qu'il est affreux !
Je n'en veux pas !
Je veux encore des prairies, des forêts, des montagnes vierges de l'homme, des animaux qui vivraient heureux sur notre monde.
C'est un enfer qu'on nous propose, une soumission à la religion du nombre.
Ne laissons pas, en plus, le discours écologiste s'en faire le promoteur.