UNE ARITHMÉTIQUE QUI DÉRANGE : le comptage démographique.

(Août 2008)

« La terre se plaint de porter trop

d’humains, et c’est la guerre »

(Mahâbhârata)

Ne serait-ce pas le dernier tabou que s’impose le monde occidental ? la surpopulation planétaire est l’objet d’un non-dit de bon aloi, d’une politesse consensuelle, d’un silence convivial. Quand on aime, on ne compte pas, et depuis « Liberté, Egalité, Fraternité » il est entendu que nous aimons nos congénères.

On compte, certes, mais les "objets" dénombrés ne sortent pas de la démarche phénoménologique, comme s’il s’agissait de billes ou d’ordinateurs. 0n fait des courbes, des tableaux, des calculs prévisionnels avec des variables, des moyennes, des écarts-type, des intervalles de confiance et tous les traitements les plus pointus que permet la science statistique et on range les résultats dans des publications que tout le monde pourrait consulter.


- Mais, c’est d’êtres humains qu’il s’agit. Un peu d’humanité, messieurs les démographes ! - Ah, non ! L’humain, ce n’est pas notre secteur. Voyez l’anthropologue, l’ethnologue, le philosophe, le médecin, le psychologue, le religieux, le politique. Voyez directement « Les Droits de l’Homme », tenez, vous aurez tout ce qu’il faut savoir sur votre sujet
- Dans les Droits de l’Homme, il n’y a rien sur l'homme quantitatif.
- C’est parce que, dans les « Droits de l’Homme » l’humain devient « la Personne ». La personne est une entité qui ne se compte pas.
– Et quand elle vote, elle ne se compte pas, peut-être ?
– Oui, mais alors là, c’est la question de la Démocratie. Voyez les différents régimes politique.Voyez Science Po.
– Mais quand le comptage des hommes, comparé à l’évaluation des ressources de la planète arrive, comme aujourd’hui, à un déséquilibre terrifiant, il n’y a pas une nouvelle science pour prendre en compte tous les paramètres, de façon à limiter ce déferlement humain ?
- « Limiter » que dites-vous là ? Dans toutes les conférences, congrès, réunions au sommet et autres rendez-vous internationaux sur la Population qui ont lieu sous l’égide de l’ONU (CIPD, UNFPA, OMD, IPPF, PNUP, UIESP,CICRED, ICPD etc.) le mot n’est jamais prononcé. Il faut chercher longtemps, ne serait-ce que pour les critiquer, des allusions à l’expérience de l’Inde et celle de la Chine. Ainsi que celle de l’Iran qui (paradoxe incroyable) avait stabilisé, en 8 ans, sa population à 70 millions, alors que les projections la voyaient de 108 millions en 2006.

Le "droit-de-l’hommisme" intégral de l’ONU reste fixé à l’article 3 de la Déclaration Universelle qui stipule « le droit à la vie » (que beaucoup ont compris comme celui de l’individu à l’état d’embryon)

C’est vrai. À l’inverse de "limitation", c’est à "développement" que le mot population est toujours associé : « Une croissance économique soutenue, dans le cadre du développement durable, permettra de faire face à la pression démographique... Elle permettra de mieux intégrer le volet population dans les autres politiques de développement ». (Conférence Internationale sur la Population et le Développement. [Le Caire 1994]). Dans le programme d’action de la CIPD, adopté pour les 20 années suivantes, la planification familiale à part entière n’est plus un acquis du progrès humain comme dans les décennies précédentes, mais une branche de la « santé de la reproduction » pour laquelle on souhaite, bien sûr, « l’accès universel ».

Le fond de l’idéologie ambiante est qu’il n’y a de richesse qu’en l’homme. Par exemple, certains défendent toujours l’idée que l’économie des pays pauvres justifie la présence de nombreux enfants pour que la famille puisse survivre. Théorie non seulement immorale (officialisant le travail des enfants) mais inepte : l’enfant producteur étant aussi un consommateur , il ne travaille en droit que pour lui-même. L’argument économique liant la surnatalité à la pauvreté est également contredit par la démographie affolante des pays les plus riches du monde : au Koweit, par exemple, 70% de la population a moins de 14 ans. Dans ce pays, on se félicite de cette jeunesse et on appelle à un gouvernement qui la représente.

Pour le bonheur de l’autruche, la "transition démographique" (période indéterminée pendant laquelle la baisse de la mortalité est plus rapide que celle des naissances) va connaître, disent les démographes, une "fenêtre" de deux décennies pendant laquelle le graphique de la transition va perdre un peu de son gros ventre, juste avant la catastrophe du vieillissement universel.

Bien sûr, il faut attribuer une grande responsabilité aux religions dans cette ferveur nataliste, résumée en ces termes par Michel Onfray : « Dieu n’aime pas le planningfamilial ». Le Vatican est toujours fixé sur le « croissez et multipliez » de la Bible. Moins cependant que l’Islam qui, suivant l’ université islamique de l’Imâm Muhammad Ibn Sa’ûd (Arabie Saoudite) « fait la promotion de la natalité ». D’après cette source, dire que la surnatalité nuit au niveau économique d’un pays, « ceci contredit la loi divine selon laquelle toute âme venue au monde est prise en charge par Dieu ». Si la décision de limitation « est établie par un décret officiel, alors ce dernier est non avenu ». Si elle est d’ordre privé, elle doit absolument être autorisée par un aréopage de médecins qualifiés et uniquement pour raison de santé. Le choix du nombre d’enfants par convenance personnelle du couple, s’il n’est pas illicite, est cependant « détestable car allant à l’encontre d’une des finalités les plus importantes du mariage »...

La Conférence du Caire de 1994, qui fait toujours autorité, avait réuni 11000 participants, et 179 gouvernements avaient signé son programme d’action. Malgré l’insistance de son discours sur « le plein respect de la diversité des valeurs religieuses et éthiques, des traditions culturelles... de chaque pays », il a suscité des réserves orales ou écrites de 15 pays islamistes et 12 chrétiens. Dans tous les cas, tout ce qui peut être une allusion à quelque méthode abortive que ce soit est strictement prohibé. On retrouve la sévérité de la charia derrière tous les propos des musulmans, comme celle de St Paul à la base de la politique vaticane. (L’Iran, en pleine politique contraceptive, s’était distinguée en posant la question des besoins légitimes de l’homme notamment dans la polygamie).

Pendant que s’élaborait ce qu’on pourrait appeler la religion laïque des Droits de l’Homme, (magnifique progrès sur les morales traditionnelles) naissait une autre idéologie qui aurait dû finir par rencontrer la première : l’écologisme. L’Homme universel, traumatisé par son passé récent de barbarie s’alliant avec le citoyen du monde obsédé par l’avenir de sa planète... Au lieu de cela, le droit-de-l’hommisme intégriste continue, au nom de la Liberté majuscule, à soigner les dérives de la liberté d’engendrer avec les médecines douces de la compassion, des recommandations, de la patience, de la confiance en l’avenir, des projections optimistes. Et surtout de la mise en place de commissions d’expertises extrêmement coûteuses, et la multiplication d’organismes de réflexion absorbant une part importante de l’aide financière internationale. Quant à l’écologisme, il aurait du, depuis sa naissance au début des années 70, être dominé par le réalisme des spécialistes en sciences de la terre. Au lieu de cela , le mouvement s’est gonflé de toutes sortes d’idéologies utopiques où les aspirations au bonheur individuel ou les politiques locales sont bien plus présentes que l’impact de l’Homme arithmétique. Il n’est pas apparu à ces rêveurs que la liberté de l’un finissant ou commence celle de l’autre, la multiplication pléthorique de cet autre aboutit au déclin de la liberté de chacun. S’il a conscience que l’homme quantitatif est bien le seul prédateur à mettre en danger la planète, il a honte de le dire parce que le coefficient de prédation de chaque homme est scandaleusement supérieur dans son hémisphère. (Pour, en partie, se disculper, le monde économiquement développé pourrait peut-être arguer de sa sagesse démographique pour expliquer sa réussite).

A peu près seule dans le concert de cette nouvelle mouvance de la vie publique, la voix de l’agronome René Dumont, extrêmement impliqué dans l’aide à l’agriculture du tiers-monde, s’est fait entendre sur ce thème. Face aux thuriféraires de la Personne, il a osé écrire que l’Afrique ne se sortira pas de son marasme tant qu’elle « ne se dégagera pas de son piège démographique ». Il démonte les arguments économiques qui font passer "développement" avant "dénatalité", celle-ci étant subordonnée à celui-là. Il donne en contre-exemple la Chine de 1955 faisant confiance à la multiplication de « ses bras créateurs de richesse » jusqu’au tournant drastique de 1975 aboutissant à la règle inhumaine de l’enfant unique. Il écrit encore : « Diminuer la mortalité infantile, sans aider à réduire les naissances quand cela aboutit pour les survivants à une vie abominable, intolérable, infrahumaine, cela mérite réflexion ». Et pourtant, lit-on jamais dans les programmes des ONG, envoyés aux éventuels bailleurs de fonds que nous sommes, la création d’un centre de planning familial associé à celui d’un dispensaire ?... En 1985, l’OMS publiait un rapport intitulé : « Education sexuelle et planning familial » à l’intention des jeunes (29 pages, 5 francs). Aujourd’hui, il est indiqué comme "épuisé". Depuis, on ne parle que du préservatif, et seulement pour éviter les MST.

René Dumont, tenant compte de toutes les injustices économiques qui frappent le tiers-monde (et qu’il a abondamment aidé à combattre par ailleurs) préconise comme remède vital et urgent la scolarisation prolongée des petites filles. Dans les régions où elle est appliquée, cette mesure, qui est source d’un épanouissement personnel de la femme, est fortement corrélée avec une diminution de la natalité. La mesure est donc surtout culturelle. Chez les droits-de-l’hommistes purs et durs, on lui oppose l’existence préalable de la démocratie familiale. Hélas, en attendant la disparition du machisme conjugal, le désastre démographique s’étend. La démocratie tout court ne devrait-elle pas se substituer à la démocratie familiale déficiente et contraindre les parents à envoyer leurs enfants des deux sexes à l’école ?... (pas seulement, bien sûr, à l’école coranique).

On attendrait du féminisme mondial que son combat soutienne ce projet. Or, dans le manifeste signé à la Journée internationale des femmes de 2001, les 21 bonnes raisons données pour être encore féministes ne contiennent pas un mot sur le sujet. Quant aux féministes musulmanes qui se réunissent régulièrement en congrès à Barcelone, elles trouvent de très bonnes raisons pour situer leur combat sous l’égide de la charia.

Dommage qu’on ait quasiment oublié René Dumont et sa vision pénétrante de l’avenir. Il y a 20 ans, il nous alertait déjà sur les émissions de Co2, le trou de la couche d’ozone, le réchauffement du climat, le pillage des énergies fossiles, la déforestation et la désertification, la progression des famines, le gaspillage de l’eau.
En 1974, il avait fait (à vélo) campagne pour l’ élection présidentielle. Si, par une invraisemblable chance, il avait été élu, nous n’aurions plus (comme il l’a dit) de courses automobiles, de Paris-Dakar, d’avions supersoniques ; le pétrole serait depuis longtemps volontairement hors de prix et les voitures consommant plus de 4 litres au cent, interdites. On aurait moins de terrains de golfs, consommateurs abusifs d’eau, de concours de villages fleuris... Mais peut-être aurait-il trouvé le moyen, comme il l’imaginait, de récupérer l’eau des fleuves avant qu’elle n’aille se perdre dans la mer. La révolution écologique de la France aurait pu être, comme celle de 1789, un exemple pour l’Europe et pour le monde.
Au lieu de cela, la liberté de ses propos considérés comme provocateurs, le faisait écarter des débats publics. On boycottait ses conférences ; on refusait parfois de publier ses écrits. En outre, son pacifisme intégral l’avait conduit pendant la guerre à pactiser avec Pétain et son « retour à la terre », à trouver des qualités à l’agriculture nazie (même le blé aurait du entrer dans la résistance !) et les justiciers du droit-de-l’hommisme sectaire ne le lui pardonnèrent pas.

Depuis cette date la terre compte 2 milliards d’êtres humains en plus, et on parle d’un gaspillage maîtrisé à l’horizon 2025.

Dans le climat de black-out qui règne actuellement sur le problème de la surpopulation il est probable que René Dumont serait traité de la même façon aujourd’hui. En référence à un débat télévisé quotidien, la question n’est pas « dans l’air ».

De toutes façons, nos démographes de l’INED, convoqués à de très rares occasions ont toujours le discours de leur fondateur et maître à penser : Alfred Sauvy, dont la philosophie est radicalement anti-malthusienne. Il y a peu, l’un d’eux affirmait sereinement que la terre pouvait très bien porter les 10 milliards d’individus qu’on lui promet pour le milieu du siècle. Peu importe si cette terre ressemble alors aux cellules surpeuplées de nos maisons d’arrêt. Les détenus y "vivent" ; la prison "peut" les contenir. Il en meure moins qu’autrefois les esclaves en surnombre dans les cales des bateaux négriers ; ou dans les barques où s’entassent aujourd’hui les candidats à l’émigration clandestine. Alors, hauts les cœurs !

Quand il y a du pain pour cinq, il y en a pour six, disait-on autrefois dans nos généreuses campagnes. Mais, outre que l’homme ne se nourrit pas que de pain, le pain, déjà, commence à manquer. Ces optimistes du « croissez et multipliez » savent pourtant qu’ il y aura inexorablement plus de 3 milliards de pauvres en 2050.

Malheureusement, le regard mémoriel des Droits de l’Homme et celui, prospectif, de l’Ecologie, au lieu de donner naissance à une sagesse commune, continuent à ignorer l’homme quantitatif. C’est la terre qui devra s’adapter à cette multitude et non l’inverse. Les politiques du monde occidental sont encore largement natalistes. L’Europe, surtout, se plaint de manquer de bébés. Au sommet de Rio sur l’environnement, en Décembre 2006, pas une seule communication sur le rapport entre l’homme arithmétique et la pollution ! Pas plus qu’au récent Grenelle de l’Environnement, en 2007, à Paris.
On comprend une autocensure de l’homme riche massivement responsable de la pollution et pas vraiment décidé à se priver. Mais sa fausse culpabilité doit-elle empêcher la conscience collective de s’attaquer à un mal aussi flagrant ?

Il faudrait convaincre les peuples que la surnatalité est avant tout un mal pour eux-mêmes. Mal pour l’enfant souvent non désiré né de l’égoïsme de l’homme, pour la maman abîmée par trop de grossesses, pour le père qui ne peut nourrir sa famille, pour l’économie et la politique du pays etc. Il se trouve pourtant, même dans le tiers-monde, des démographes qui se plaignent des vastes déserts humains de leurs zones rurales et qui, au lieu de lutter contre la monstrueuse surpopulation urbaine, préconisent une aide à la natalité dans ces territoires à défricher. Et le plus souvent ce sont des forêts dont la planète a tellement besoin pour lutter contre les rejets de Co2. !

S’ils étaient raisonnablement peuplés, ces pays, devenus autosuffisants, auraient beau jeu alors de monnayer leurs précieuses matières premières indispensables aux pays riches, suivant, pourquoi pas, des méthodes inspirées du marxisme.

La France se réjouit de son taux de fécondité qui atteint les 2%. Certains experts chuchotent néanmoins qu’il ne devrait pas être dépassé. Malgré le relent "extrême-droitien" de ce secret de polichinel, ce taux record est dû pour beaucoup à l’immigration du sud dont les naissances, en 2007, participeraient pour 25% à ce chiffre (17% en 2006). Le CNIL, dans l’intention de lutter contre les discriminations et les risques de communautarisme, interdit de publier ces chiffres qui font allusion aux « français de souche ». On doit pouvoir attribuer à un petit Mamadou dont les parents viennent du Mali ou du Cameroun, la même ascendance creuso-alsacienne que celle d’un Ludovic blond et rougeaud né en même temps que lui. Les ex-colonisés retrouvent leurs ancêtres les gaulois. Mais la décision fait débat même au sein de ces minorités jalouses de leur identité. Quand à l’ensemble des citoyens, ils semblent accepter cette censure sans broncher.

D’après les chiffres officieux les entrants ont presque tous un enfant dès la première année. Et une bonne part des couples issus de cette immigration auront au minimum 4 enfants, (la curiosité statistique ne va pas au-delà de 4). La fécondité d’une communauté comme celle des turcs qui est de 2,2 % dans son pays d’origine est dépassée en France.

L’avenir de la France est couleur... layette. Et c’est précisément la "layette" qui est en cause et seulement cela. Le message s’adresse à ceux qui en tricotent le plus, c’est tout.

Oubliées les années 70 ou être progressiste c’était se battre pour la contraception, la libéralisation de l’avortement. Le Planning Familial était le lieu de la suprême liberté : donner la vie ou pas. Les Droits de l’Homme, muets sur ce sujet, laissaient la place aux revendications féministes. La bataille autour du fœtus séparait les progressistes de « Choisir » et les réactionnaires de « Laissez-les vivre ». Aujourd’hui le féminisme militant s’est effacé devant les idéologues de la natalité.

Le natalisme européen prospère face au spectre du vieillissement. Qui donc va payer les retraites de cette invasion de centenaires ? Et bien, les bébés d’aujourd’hui, pardi !

C’est là que resurgissent en première ligne les calculs des démographes. Mais l’arithmétique qu’ils ont inventée n’est pas celle qu’on enseignait autrefois à l’école primaire où il était interdit d’additionner les poules et les lapins. Si un litre d’eau chaude mélangé à un litre d’eau froide fait deux litres d’eau tiède, de la poudre de roche secondaire mêlée à de la roche quaternaire ne donne pas de la roche tertiaire, et la moyenne entre 100 bébés plus 100 vieillards ne fait pas 100 adultes, comme le martèlent les antimalthusiens à la suite d’Alfred Sauvy : « Aucun pays ne peut éviter un vieillissement excessif que par une natalité suffisante et une certaine croissance ».

Qu’est-ce qu’un vieux ? A quel moment n’est-on plus un bébé ? On peut compter des morts et des naissances, la totalité des élèves en classe maternelle et celle des pensionnaires de maisons de retraite à tel moment précis et comparer leurs nombres, mais en quoi cela va-t-il agir sur le montant des retraites ? Et puis ces bébés pléthoriques du moment, dont un bon nombre est voué à un chômage endémique, vont devenir à leur tour - le temps passe vite - des papys en surnombre pour leurs petits-enfants (qui n’auront pas, il faut l’espérer, suivi le rythme exponentiel). Pourquoi ne pas envisager d’autres moyens de financement de la retraite ?

Le moins qu’on puisse dire est que Malthus n’est pas persona grata à l’ère des Droits de l’Homme.

Ce pasteur- économiste anglais du dix-huitième siècle, écrivait que « seuls doivent fonder un foyer ceux qui sont sûrs d’avoir de quoi faire subsister une famille ». Sagesse de père de famille encore bien souvent partagée aujourd’hui. Pas de quoi mériter l’anathème dont il est l’objet. Seulement, il ajoutait (dans sa parabole du banquet) qu’un homme dont « la société n’a nul besoin de son travail n’a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture et en réalité, il est de trop ». Qu’en termes inadmissibles ces choses-là sont dites ! D’autant plus, qu’entre Malthus et nous, il y a eu l’Hitlérisme qui a rendu tabou, pour un siècle peut-être, toute réflexion rappelant de près ou de loin l’idée de sélection.

La prédiction apocalyptique de Malthus sur l’avenir de son pays surpeuplé ne s’est pas réalisée. Ce qui permet à ses détracteurs de défendre depuis lors le populationnisme. L’Angleterre du XIXe siècle n’a pas explosé, mais ils oublient souvent de dire que le colonialisme débridé, né à cette époque, s’est nourri de sa population pléthorique.

Aujourd’hui, bien que les organisations humanitaires des pays riches s’emploient massivement à lutter contre le sida et les maladies endémiques du tiers-monde, chacun, dans son for intérieur, n’est pas à l’abri du pire des cynismes : ces hécatombes fatales considérées comme une régulation après coup des naissances.

Tout ceci, qui aurait du appeler à un débat ouvert, courageux, libéré des idéologies, n’a fait qu’enliser le plus grand problème de l’époque dans les abysses d’une omerta généralisée.

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