Le spectacle du monde

Le mensuel Le spectacle du monde consacre un dossier, de 3 articles, aux problèmes posés par la persistance de la croissance démographique:

- Population, la bombe humaine

- Agriculture, la famine n’est pas une fatalité

- Urbanisation, la grande explosion

Étrange premier article que nous propose Spectacle du monde

Dans un premier temps, on se dit : Enfin! Enfin un article qui ose aborder la question, enfin un article qui détaille l’extraordinaire accélération de l’accroissement de la population pour ensuite en expliquer tous les méfaits potentiels, famines et nature ravagée.

Hélas cela ne dure pas, après avoir cité quelques démarches et discours du courant "antinataliste", dont les slogans de l’affiche de Démographie Responsable (sans faire référence à leur source...) l’auteur revient aux bons vieux arguments politiquement corrects: ces raisonnements seraient simplistes. Finalement il nous est asséné, comme une vérité divine, cette sentence maintes fois répétée : « La population n’est pas le mal en soi, elle est un facteur multiplicatif, le vrai problème est la structure de la consommation.»

Mais dans quel marbre est donc sculptée cette phrase qui se présente comme une évidence qu’il ne faudrait jamais remettre en question ? C’est tout d’abord ignorer qu’un problème change de nature quand il change d’ampleur, l’effectif de la population ne serait-il qu’un facteur multiplicatif qu’il serait néanmoins fondamental. Si nous étions 50 millions sur la Terre, nous n’aurions pas de problème de consommation !

Ensuite bien sur ce raisonnement limite l’impact anthropique à la pollution, or une population même démunie occupe les espaces autrefois réservés au reste de la faune, ce problème n’est même pas effleuré.

Enfin bien sûr il est étonnant de voir l’auteur (c’est classique) opposer les pauvres béninois aux méchants américains. Mais soyons honnête, sur Terre, de quel mode de vie rêvent les hommes? D’ailleurs les données climatiques ne permettent pas de vivre dans les pays froid avec le dénuement qu’on prête au Bénin. A force de vouloir défendre les pauvres pour se donner bonne conscience (ou bonne image), certains défendent en réalité la pauvreté.

Dommage aussi qu’après son introduction l’auteur oublie complètement de prendre du recul et de comprendre combien la situation que nous vivons est une exception toute récente dans l’histoire du monde. Cela devrait nous faire réfléchir, l’humanité dure depuis plusieurs dizaines de milliers d’années, mais pendant ces milliers d’années elle n’a été présente sur la Terre qu’à quelques millions d’exemplaires, cela doit nous faire réfléchir.

Nous sommes quelques milliards, c’est un autre monde.


Le deuxième article, comme le précédent sur la démographie, évoque de bonnes questions mais fait l'impasse sur quelques aspects essentiels.

Par exemple comment peut-on parler de récupérer 1,4 milliards d'hectares de plus sans comprendre qu'il s'agit là de les soustraire à ce qui reste de nature. L'homme doit partager le monde avec les autres espèces. Un monde qui ne serait qu'un grand champ cultivé, serait une catastrophe écologique. Il faut des espaces vierges et ceux-ci ne peuvent se réduire aux déserts brûlants ou glacés.

Autre question fondamentale, la productivité agricole. Il semble peu probable que nous puissions nourrir autant d'hommes qu'indiqués (9 ou 12 milliards même) sachant qu'actuellement la forte productivité agricole est liée à la disponibilité d'énergies fossiles (le pétrole intervient fortement au niveau des engrais, de la mécanisation agricole et du transport des produits). Quand le pétrole aura disparu (dans 50 ans il sera forcément d'un usage marginal), comment assurerons nous cette productivité ?

Enfin l'article valide une idée fréquemment admise : mangeons moins de viande. Certes physiquement le raisonnement se tient, la production de viande est coûteuse en terme de consommation d'espace et d'énergie. Mais quelle société veut-on ? Une société où tout devra être sacrifié (l'espace, la viande, la nature) au nom d'un seul impératif mis au dessus de tous les autres : « Soyons très nombreux ». Mais dans quel but ? Pourquoi ne pas imaginer vivre mieux en étant moins, ne serait-ce pas plus sage, plus heureux et plus raisonnable pour l'avenir ?

Didier Barthès