Le parc naturel du Serengeti menacé par un projet routier

Ou quand la croissance démographique menace la faune sauvage...

Le parc national du Serengeti est un grand parc naturel situé en Tanzanie (Afrique de l'Est). Second parc animalier d'Afrique, il s'étend sur 15 000 km2 (1,6% du pays). La vie sauvage y est très importante, avec environ 4 millions d'animaux. L'article de l'encyclopédie Wikipedia qui lui est consacré cite entre autres chez les nombreux herbivores: les Gnous (1 300 000), les Gazelles (300 000), les zèbres (250 000) ou encore les girafes (12 000) et les éléphants (2 100), et chez les carnivores les Hyènes (7 500), les Lions (3 000) ou les Guépards (350)...

Or il se trouve que la construction d'une route de plus de 50 km à travers le parc est en projet, le président tanzanien Jakaya Kikwete ayant confirmé en mai et en juillet que le chantier devrait débuter en 2012. Il a fait valoir à cette occasion que les habitants de tous les pays ont droit au développement...
La Société Zoologique de Francfort (SZF) qui est très impliquée dans la conservation de ce parc a publié sur son site un article relatif à ce projet. La SZF précise que le plan de gestion du parc national du Serengeti n'autorise pas les routes commerciales en son sein. Plus globalement l'UNESCO recommande de ne pas construire de telles infrastructures dans les parcs nationaux et les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial.

Si la SZF reconnaît l'importance de telles infrastructures pour relier les fermiers aux marchés, rapprocher les communautés et développer le commerce et si elle admet qu'en l'espèce cette route serait effectivement la ligne la plus courte entre les centres de population existants et permettrait de relier les ports de l'est de l'Afrique aux pays d'Afrique centrale qui se développent rapidement, il n'en demeure pas moins que les conséquences sur la faune sauvage seraient désastreuses (la population de gnous passerait de 1,3 millions d'animaux à 200 000 notamment).

Et ce, premièrement à cause des barrières qui devraient être construites pour protéger les véhicules et les vies humaines. Ces barrières empêcheraient les animaux d'atteindre leur seule source d'eau (la rivière Mara) pendant la saison sèche (la société cite l'exemple du Bostwana qui a déjà perdu une partie de ses gnous et de ses zèbres en raison de ces clôtures
qui empêchent les migrations). La SZF évoque ensuite les dangers liés au transport de marchandises (particulièrement de bétail), vecteur de maladies, ou encore le risque de propagation de plantes invasives et enfin l'inévitable augmentation du braconnage (facilité par un meilleur accès aux zones sensibles).

Une solution alternative existe, qui consisterait à contourner le Serengeti par le sud en construisant une route goudronnée depuis Karatu pour rejoindre l'actuelle route Shinyanga - Musoma. Les avantages en termes de développement économique et humain seraient même plus importants puisque qu'elle aurait l'avantage de désenclaver une région agricole densément peuplée alors que celle traversant le parc serait un simple couloir de circulation.
La Tanzanie est l'un des leaders mondiaux de la conservation de la biodiversité, rappelle la SZF qui clôt son article ainsi: « Les générations futures ne nous demanderont pas quels progrès technologiques nous avons accompli, mais qui a sauvé les majestueux lieux sauvages qui rendent notre planète si particulière.»
Au-delà de cette juste lutte contre le découpage du Serengeti, combat que Démographie Responsable soutient sans réserve puisque nous appelons à signer la pétition Stop the Serengeti Highway, il faut bien comprendre qu'à l'origine de tous ces problèmes il y a la triste réalité de la multiplication par 6 de la population tanzanienne depuis 1950 (le nombre moyen d'enfants par femme étant encore de 5,47). Les prévisions pour 2050 annoncent même une multiplication par 14 en un siècle (voir le tableau plus bas).
C'est cette croissance démographique explosive qui au final fait courir le plus de risques à la vie sauvage. En effet, la pression qu'elle engendre amène à rogner sans cesse sur l'habitat de la faune, voire, lorsque celui-ci est sanctuarisé, à le faire traverser par des voies de communication pour permettre un développement économique qu'on ne peut légitimement refuser dès lors que les êtres humains existent...
Il faut bien entendu se mobiliser pour empêcher la partition du Serengeti, mais à plus long terme, c'est en amont qu'il faut agir, au travers de l'instruction des femmes, de la planification familiale et de la contraception. Si la Tanzanie ne réussit pas à stabiliser sa population, la vie sauvage doit s'attendre à un sombre avenir.

Pour aller plus loin:

Lire l'article du Figaro-environnement sur le sujet, ainsi que les commentaires.

La dépèche AFP

La page Facebook de Stop the Serengeti Highway

United Republic of Tanzania Population (en milliers), variante moyenne (1950-2050):

Source: World Population Prospects