Nigeria : Goodluck Jonathan en appelle à la maîtrise de la natalité

Cet article est une synthèse de ceux des sites allAfrica.com et voanews.com

Abuja, mercredi 27 juin 2012 | S'exprimant lors de la cérémonie de serment du nouveau président et des commissaires de la Commission Nationale de la Population (NPC) qui s'est tenue à la villa présidentielle, le Président Goodluck Jonathan a déclaré que les nigérians devaient se préparer à une législation sur le contrôle des naissances afin de maîtriser l'explosion démographique.

 

 

 

Dans son allocution, Jonathan a déclaré « bien que la question de la régulation de la population soit sensible, le gouvernement ne peut pas rester les bras croisés et attendre que l'effectif de la population devienne incontrôlable ». Actuellement, la population du Nigeria s'élève à environ 167 millions de personnes et l'ONU estime qu'elle pourrait passer à 400 millions d'ici à 2050.

Le président a toutefois noté que, compte tenu de l'aspect délicat de la question, le gouvernement procédera à une sensibilisation en amont avant de légiférer sur le contrôle des naissances et de la population. Il a demandé à la nouvelle équipe de la NPC de commencer le plaidoyer sur le contrôle des naissances et a promis l'appui (y compris financier) du gouvernement.

Le président a déclaré :

« Pour nous permettre de planifier correctement l'avenir, nous devons gérer notre population; mais c'est un sujet extrêmement sensible; nous sommes des gens très religieux. Les chrétiens, les musulmans, voire les traditionalistes croient que les enfants sont des dons de Dieu. Il est donc difficile pour vous de dire à un nigérian de restreindre le nombre de ses enfants parce qu'ils sont des dons de Dieu et qu'on ne repousse pas les dons de Dieu.»

« C'est un sujet très sensible, mais nous devons commencer à y penser. Nous devons commencer à penser à la façon dont nous allons le gérer »

« L'essentiel est la façon dont vous allez, grâce à vos efforts de persuasion, élaborer des projets et des programmes qui encourageront les nigérians à avoir le nombre d'enfants qu'ils peuvent gérer, et ce avant que le gouvernement n'en arrive à des politiques et des directives précises »

« D'abord et avant tout, les gens doivent prendre conscience de la taille de la famille qu'ils peuvent gérer.»

« Parfois, vous arrivez à la maison de quelqu'un habitant dans un duplex bien meublé. En plus du mari et de la femme, il peut y avoir deux, trois ou quatre enfants. Par contre, l'agent en charge de leur sécurité en a, quant à lui, neuf...»

« Cela signifie qu'il y a une partie de la population qui sait que l'on doit avoir un nombre d'enfants que l'on peut gérer et une autre partie de la population qui ne le sait pas »

« Si vous êtes un habitué des casernes, vous verrez que le général, le colonel et les officiers ont trois à cinq enfants, mais ceux qui n'ont pas de galons en ont huit à douze »

« Les gens en place, probablement en raison de leur niveau d'éducation, savent qu'ils doivent contrôler la taille de leur famille, mais les gens d'en bas, ne sont toujours pas conscients de cela »

« D'abord et avant tout, avant que le gouvernement n'en arrive à des règlements, directives ou lois, les nigérians doivent être avertis que nous ne pouvons pas continuer à procréer sans fin, même si nous savons que les enfants sont des dons de Dieu »

« Même ce que Dieu nous a donné, nous le contrôlons, c'est pourquoi, parfois, nous coupons nos cheveux, nous ne permettons pas à nos cheveux de pousser n'importe comment »

« Selon laNews Agency of Nigeria(NAN), Jonathan a fait remarquer que le Nigeria ne serait pas le premier pays à adopter des lois contrôlant la population et la croyance religieuse ne saurait être un outil pour contrecarrer une bonne politique.»

Le président Jonathan a cité l'exemple de la Chine, qui a une politique de l'enfant unique et dont la croissance démographique a fortement ralenti ces dernières années.

 

 

Les propos de Jonathan ont suscité un débat religieux.

Les dirigeants musulmans disent que l'Islam ne permet la planification familiale que pour espacer les grossesses pour des raisons de santé, mais pas pour contrôler le nombre d'enfants. Cheikh Ibrahim Umar Ibrahim Kasuwar, un membre éminent du Conseil Suprême de la Charia au Nigeria, dit qu'il a été malheureux d'entendre le discours du président.

Il a ajouté que nulle part dans la Bible ou le Coran il est dit que les gens peuvent être découragés d'avoir des enfants. Il a affirmé que ce n'est pas la première fois que les autorités nigérianes ont parlé de telles mesures, mais ce qu'elles oublient, c'est que les gens qu'elles servent sont d'abord fidèles à Dieu. Il a dit qu'il a trois épouses et 16 enfants et qu'il projette d'en avoir plus si Dieu le lui permet.

Un chef local chrétien de l’État de Kaduna, le révérend Esra'a Kafaiza, a dit que la Bible encourage la procréation, mais il a ajouté que les parents ont aussi des responsabilités. "Il n'est pas juste de donner naissance à plus d'enfants que vous êtes en mesure d'élever : comment allez-vous les éduquer, les guider et les conduire sur le chemin de Dieu ?" a demandé Kafaiza.

Le révérend Kafaiza a déclaré que la croissance de la population n'est pas le problème du Nigeria, par contre, ses dirigeants le sont. "La population du Nigeria ne peut pas arrêter le progrès du Nigeria", a déclaré Kafaiza. "Si nos dirigeants se tiennent à leurs obligations et à appliquent la sagesse de Dieu et la crainte de Dieu, nous pouvons réussir aussi au Nigeria".

Des politiciens et des leaders des communautés ont déclaré que le gouvernement outrepasserait ses pouvoirs en tentant de réglementer la taille des familles.

Umar Kari, sociologue à l'Université d'Abuja, a dit que les traditions et les valeurs religieuses rendront le contrôle des naissance "difficile à vendre" au Nigeria. Il a ajouté que les tentatives de lier un taux réduit de naissances à la réduction de la pauvreté sont accueillies avec incrédulité.

"Les gens ordinaires ne sont pas impressionnés", a déclaré Kari. "Dans leur propre opinion, le problème majeur du Nigeria n'est pas la surpopulation ou le taux élevé de croissance de la population mais plutôt l'incapacité de l’État nigérian à bien exploiter les ressources (minérales, naturelles et humaines) du pays pour le bénéfice des personnes ".

 

En complément :

l'article du journal Le Monde et celui de la BBC (en français).

- l'article de SlateAfrique pour lequel "la stigmatisation de la forte natalité au Nigeria ne doit pas devenir l'arbre qui cache la forêt : les vrais problèmes sont ailleurs"...

 

 Commentaires archivés  

#3 Stopper la démographie ! — 16-08-2012 08:11

Quel beau commentaire et quelle bonne sagesse de l'intervenant !  Il faut néanmoins se rappeler qu'en Europe aussi, jadis, les familles étaint très nombreuses(mon grand-père décédé en 1927, avait 10 frères et soeurs ! )mais lui, venu à une époque déjà moderne n'en a eu que 2 et ces 2 enfants n'ont eu à leur tour que 2 et 3 enfants dont 2 sont restés célibataires et le 3ème n'a qu'une fille !!Les progrès de la médecine sont tels qu'aujourd'hui, rares sont les enfants qui meurent à la naissance ou jeunes, comme dans l'ancien temps ! Il n'y a aussi chez nous plus de guerre, donc inutile d'avoir beaucoup de descendants pour garder le nom de famille ou l'héritage qui est bien + facile à transmettre si l'on a qu'un seul enfant !! S'il y en a plusieurs comme chez moi, nous sommes obligés de vendre le bien que nos aïeux ont transpiré pour les générations futures, une honte qui me rend dépressif depuis 10 ans...Mieux vaut 1 enfant heureux que 3 malheureux!

#2 Bonne Chance ! — 04-07-2012 06:28

Bravo pour votre courage et votre lucidité. Bonne Chance Jonathan le bien prénommé.

#1 Très très instructif — 04-07-2012 06:27

Voici un discours très instructif venant d'Afrique montrant qu'il y a parfois, même au plus haut niveau de l'Etat, des gens conscients des problèmes et décidés à agir. Cette déclaration devrait-être méditée par tous les natalistes européens qui interdisent ce discours sous prétexte qu'il serait contre les pauvres. Il est au contraire en faveur des plus pauvres, mais contre la pauvreté. 

En liant sans langue de bois "faible niveau social et faible instruction" à "forte natalité", le président nigérian dit avec courage et lucidité les choses comme elles sont. Ce n'est pas en se voulant politiquement correct pour se donner une bonne image qu'on réglera les problèmes. 

Les représentants des pouvoirs religieux doivent aussi comprendre qu'il est temps de changer de discours s'ils ne veulent pas se trouver demain responsables des malheurs des peuples. 

Un rappel : il est prévu que le Nigéria dépasse 700 millions d'habitants à la fin du siècle : à chacun d'imaginer la suite.