Mariages précoces dans le Fouladou : Une pratique qui plombe l’évolution des jeunes filles

Nous reproduisons ci-dessous un article paru dans Walf Fadjri (21/02/2011)

Le diplôme chez les jeunes filles du Fouladou, c’est le mariage. Tellement, que le mariage précoce est devenu un fléau dans cette région du Sénégal située à plus de 700 km de Dakar. Et ses répercussions sont graves sur la santé de ces jeunes filles.

Les mariages précoces constituent un véritable fléau dans la région de Kolda, à plus de 700 km de Dakar. Ses conséquences sanitaires sont incalculables, tout autant que celles sociales puisqu’ils annihilent toute velléité de réussite des jeunes filles dans la région du Fouladou. « Sur le plan scolaire et de la réussite sociale, les mariages précoces empêchent les jeunes filles d’évoluer, même dans la vie de tous les jours. Des jeunes filles en classe de terminale sont données en mariage. Ainsi, leurs études sont bousillées et la jeune fille n’a plus aucun avenir. Elle ne pourra plus assurer son indépendance économique », se désole la sage-femme Anta Dia Diallo, responsable de l’antenne régionale de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef) à Kolda.
Le diplôme chez les jeunes filles du Fouladou, c’est le mariage. D’ailleurs, quand on les interroge sur leur niveau d’études, elles répondent : « Je me suis mariée maintenant », rapporte Anta Dia Diallo, en recevant une caravane de journalistes venus s’imprégner de l’ampleur du phénomène des mariages précoces dans la région du Fouladou. Et la sage-femme de regretter que les us et coutumes pratiqués dans cette localité soient un frein dans le combat contre ces pratiques. La responsable de l’Asbef à Kolda note que la conséquence logique des mariages précoces, ce sont les grossesses précoces avec tout le corollaire socio-sanitaire qui s’en suit.

Sur le plan sanitaire, ces mariages précoces ne manquent pas d’avoir des répercussions graves sur la santé de ces jeunes filles. Au-delà des hémorragies, il y a les nombreux cas de fistules constatés dans la région de Kolda. Et quand les organes génitaux de la fille sont immatures, les accouchements sont toujours risqués. Et comme les questions de sexe sont restées des sujets tabous dans cette localité, une jeune fille donnée très tôt en mariage n’a aucune expérience sexuelle. Rapport sexuel, grossesse ou accouchement sont des situations auxquelles elles n’ont pas encore l’habitude de faire face. C’est pourquoi, informe l’antenne Asbef de Kolda, certaines jeunes filles, jusqu’à six à sept mois de grossesses, n’ont pas encore démarré les visites prénatales. Cela ne manque pas de conséquences sur la santé des femmes qui sont, la plupart du temps, frappées par l’anémie.

Consciente du travail de longue haleine à abattre pour combattre ce fléau que représentent les mariages précoces, l’Antenne Asbef de Kolda se déploie dans les Cem, lycées et collèges, ainsi que dans les quartiers pour des séances d’information et de sensibilisation. Animateurs, pairs éducateurs, jeunes volontaires prennent leur bâton de pèlerin. Leur plaidoyer porte sur la contraception d’urgence, les grossesses et mariages précoces, la planification familiale, l’importance des consultations prénatales, les IST les VIH Sida.

En 1988, seules quatre-vingt-treize femmes utilisaient des méthodes contraceptives dans toute la région du Fouladou. Grâce aux actions de sensibilisation menées par l’Asbef dans cette région, 1.983 femmes planifient aujourd’hui les naissances. Seulement, la responsable locale de l’Asbef regrette qu’un problème d’écoute se pose encore sur le terrain, en ce qui concerne les mariages précoces. Même si on sent des frémissements car les femmes osent maintenant aborder ces questions, l’ampleur du phénomène demeure toujours visible.

C’est ce qui explique d’ailleurs le choix de la région de Kolda pour accueillir cette caravane des journalistes sur les mariages précoces. Cette caravane est jumelée avec l’atelier des radios communautaires de la localité sur le même thème. Pour le directeur exécutif de l’Asbef, le Docteur Balla Moussa Diédhiou, les productions des journalistes iront dans le sens d’informer, d’éveiller et de conscientiser les populations sur ces pratiques néfastes. Pour le Dr Diédhiou, compte tenu de l’urgence de l’atteinte des OMD, il s’agit de se préparer pour l’après 2015.


Issa NIANG